Rouen est une ville magnifique, et, comme de nombreux Rouennais, je regrette les années Lecanuet, les années du Roi Jean, un maire d'exception, amoureux de Rouen, proche de ses administrés, et qui, pendant près de 30 ans, fit rayonner SA ville.
Décédé il y a 15 ans en cours de mandat, il a connu à ce jour trois successeurs : François Gauthier, parachuté de droite (un peu là par hasard, il acheva le dernier mandat de Jean Lecanuet sans grande conviction), Yvon Robert, socialiste (grâce auquel Rouen a entamé sa chute), et enfin Pierre Albertini, maire sortant, centriste rallié à l'UMP, qui en a achevé la descente aux enfers. Pierre Albertini a sacrifié la rive droite, où se trouve le centre médiéval et historique de la ville, sur l'autel de ses vanités, de ses projets démentiels pour la rive gauche et les docks, et de son "désamour" pour le "vieux Rouen". Les urnes parleront bientôt, et il serait très étonnant que son successeur annoncé, que des sondages non officiels semblent créditer de 57%, soit à la hauteur de l'enjeu… Un mal pour un pire…
Rouen, la belle endormie, Rouen la bourgeoise, Rouen que j'aimais, n'est plus que le fantôme de son extraordinaire passé. La rive droite est livrée à elle-même, ses monuments historiques ne sont pas entretenus, son potentiel touristique demeure inexploité, ses espaces piétons ne sont pas aménagés, ses rues sont sales, dénuées de fleurs et d'aménagements appropriés, ses jardins publics ouverts à tous vents, laissés à l'abandon, repères de marginaux, bandes de petits trafiquants, prostitué(e)s et drogués…
Ses commerces ferment les uns après les autres, pour être remplacés, dans le meilleur des cas, par des enseignes de prêt-à-porter, mais le plus souvent par des restaurants de kebabs aux odeurs persistantes de graillon.
Deux des très rares institutions qui réussissaient encore à survivre dans un centre moribond viennent de fermer : Les Cafés La Ti-tane, fin novembre (les Rouennais se souviendront longtemps de l'odeur de café qui flottait dans la rue du Gros Horloge), et la Mère Michel, célèbre restaurant - glacier - salon de thé de la rue des Carmes, fin janvier. Plus de petits sacs jaunes illustrés d'une doudou créole d'où se dégagent les effluves d'un café fraîchement torréfié, plus d'odeur de crêpes en passant dans la rue des Carmes. Plus de café sur le pouce autour d'une table haute en face du magasin le Printemps, plus de coupes glacées dans la pénombre rafraîchissante des profondes banquettes de la Mère Michel les week-ends d'été…
Une dernière fois, passer devant ces endroits qui appartiennent désormais au passé…
Vue vers la Cathédrale Notre Dame de Rouen
Vue vers le Gros Horloge
La dernière lettre de Jean-Michel Blaiset à ses clients
Sur la porte d'entrée du magasin. Le bonheur, c'était pour hier…
La Mère Michel - 33, rue des Carmes
Au lendemain de la fermeture, le 20 janvier dernier.
La dernière lettre des patrons qui avaient repris l'établissement il y a 4 ans.